Six siècles d’histoire gallo-romaine
Situé au cœur de la vallée de l’Oignin, Izernore/Isarnodurum est à ce jour la seule agglomération gallo-romaine connue du Haut-Bugey.
Aux origines d’Isarnodurum :
Les plus anciennes traces d’occupation découvertes à Izernore datent de la toute fin de l’âge du Fer (2e-1er siècle av. J.-C.). Le site est alors fréquenté par des Gaulois, dont le rattachement à un peuple précis demeure incertain : Séquanes ou Ambarres ? Quelques amphores à vin et monnaies témoignent d’échanges avec le monde méditerranéen. La configuration générale de l’occupation du site à cette époque nous échappe encore, à l’inverse de la période qui succède à la conquête romaine.
Le nom antique d’Izernore, Isarnodurum, est d’origine celte. Il est formé de la racine « isarno », qui signifierait « fer », et de « duro » (latinisé en durum), « porte » ou « marché » suivant les interprétations.
La ville gallo-romaine
Isarnodurum connaît un essor important entre le 1er et le 4e siècle de notre ère. L’agglomération gallo-romaine se développe sur une vingtaine d’hectares. Elle s’organise autour d’une voie de circulation nord-sud. Des habitats s’implantent le long de cet axe principal. Les activités agricoles et artisanales (tournage du buis, fabrication de tablettes à écrire, potentielle forge…) s’installent en périphérie.
La petite ville se dote d’édifices publics. Si les vestiges d’un temple monumental sont encore visibles de nos jours, Isarnodurum compte, à l’époque romaine, deux ou trois autres fana (temples gallo-romains de plan centré). Des thermes se trouvent à proximité des sanctuaires. Leurs douze salles permettent la pratique du bain à la romaine. On y trouve une salle chaude, une salle tiède, une salle froide et même une piscine chauffée.
Des villae se rencontrent dans la campagne environnante : à Pérignat, à Bussy et au Landéron (sur la commune de Montréal-la-Cluse). La partie résidentielle de ces riches fermes offre tous les éléments du confort romain : thermes privatifs, portiques à colonnes, cours et jardins… Leurs murs – en particulier ceux de la villa de Pérignat – sont ornés de peintures murales aux couleurs saisissantes.
Au 4e siècle, Isarnodurum entame son déclin. La trame urbaine semble se resserrer. Les villae sont peu à peu abandonnées. Entre la fin du 4e et le milieu du 5e siècle, trois saints naissent au hameau de Cessiat. Romain, Lupicin et Oyend, plus connus sous le nom de « Père du Jura », fonderont plusieurs monastères, dont l’abbaye de Saint-Claude.
250 ans de recherches archéologiques
Les premières fouilles archéologiques sont entreprises en 1784, au temple, derniers vestiges visibles de l’époque gallo-romaine. Cette campagne révèle en outre l’existence de thermes, dont trois salles sont reconnues.
Durant la première moitié du 19e siècle, les investigations se concentrent toujours sur le temple. Elles en identifient les deux états de constructions. En 1840, ces vestiges intègrent la première liste des monuments historiques.
En 1863, l’Etat et le Conseil général de l’Ain finance l’une des plus importantes campagnes de fouilles qu’Izernore ait connues. Etienne-Joseph Carrier dégage les douze salles des thermes ainsi que neuf constructions dont l’interprétation demeure épineuse (des habitats ? un fanum ? un caravansérail ?). Fait novateur pour l’époque, il dresse avec précision les relevés de chacune des découvertes. Au même moment, alors que la localisation de la bataille d’Alésia fait l’objet de controverses, Jacques Maissiat, et d’autres à sa suite, situent le lieu de la défaite de Vercingétorix à Izernore.
Au début du 20e siècle, de nouvelles fouilles sont entreprises en différents lieux de la commune. Emile Channel réalise des travaux de restauration et de nouvelles recherches au temple. Il met au jour les restes de deux villae, l’une au Landéron (Montréal-la-Cluse) et l’autre au hameau de Pérignat. Cette dernière, dont les murs sont conservés par endroit sur 3 m de hauteur, livre un ensemble remarquable d’enduits peints.
Dans les années 1960, le Groupe d’archéologie antique du Touring club de France, sous la direction de Raymond Chevallier et de Claude Lemaître, reprend les recherches avec une méthode plus scientifique. Une campagne de prospections aériennes permet de reconnaître les traces de monuments antiques ignorés jusqu’ici. Parmi les différentes fouilles entreprises, les plus significatives sont celles de la villa de Bussy et du site du « Lotissement communal ». Ce dernier comprend trois bâtiments à portiques (habitations et boutiques) datant de la seconde moitié du 1er siècle de notre ère ainsi qu’un ensemble de fosses et de puits contenant du mobilier des 2e et 1er siècles av. J.-C., attestant d’une présence gauloise jusque là peu documentée.
Depuis le début des années 2000, diagnostiques, fouilles préventives et prospections géophysiques ont enrichi notre connaissance de la ville gallo-romaine. En 2020 et 2022, deux opérations conduites par l’Institut nationale de recherches archéologiques préventives ont mis au jour un quartier antique mêlant habitat et artisanat ainsi qu’un ensemble de puits. Ces derniers, encore en eau, ont livré des objets en bois (tablettes d’écriture, objets tournés, semelles de chaussures…) dans un état de conservation exceptionnel.